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n°72

Mise en oeuvre d’un projet 107, enjeux, freins et leviers - Le projet "Réseau Santé Namur"

retour au n°72 "Santé mentale : les enjeux de la réforme ?"


Auteur(s) :

DE RIEMAECKER Didier Coordinateur de réseau Projet "Réseau Santé Namur"


Résumé :

A l’intsar des projets 107, tout changement important ouvre de nombreuses potentialités en même temps qu’il relève d’une extrême complexité dans sa mise en oeuvre. A partir de l’exemple du projet 107 "Réseau Santé Namur", l’article met en lumière, les enjeux (en terme de freins et de leviers) propres à la réalisation de l’actuelle réforme belge des soins en santé mentale.


Mots-clés :

Réforme, réseau, équipe mobile, changement, paradigme, enjeux


Extrait :

(...)

Les enjeux principaux concernant la mise en place d’un tel projet et, plus spécifiquement, d’un réseau trans-sectoriel d’acteurs (...) sont multiples.

Enjeux liés au principe de réalité

Soulignons, tout d’abord, que la concrétisation de tout modèle abstrait (et ce, quels que soient le degré de pertinence du modèle et le degré de soin qui a été apporté à sa conceptualisation) implique la confrontation au principe de réalité. C’est précisément au cœur de ce passage de la modélisation à la concrétisation que sont placés les coordinateurs de réseau et les promoteurs ; position présentant un inconfort certain dans la mesure où elle nécessite de tenir compte d’un nombre complexe de variables partenariales, géographiques, politiques, financières, temporelles, paradigmatiques, etc. (...)

Enjeux liés au mécanisme de co-construction

Le principe même de la concertation est de développer autant que faire se peut une dynamique de co-construction entre les partenaires d’un même réseau. La richesse d’un tel dialogue (ou multilogue) est d’ouvrir le champ de réflexion et d’élaboration du réseau par l’apport de regards différents qui s’enrichissent mutuellement précisément parce qu’ils sont issus de secteurs différents.

Voilà bien un levier fondamental de la réforme belge des soins de santé mentale qui met le mécanisme de construction participative au centre de la mise en œuvre du réseau.4 Sont impliqués dans l’évolution du réseau tant les acteurs des cinq fonctions que les représentants des usagers et des proches d’usagers.

Enjeux liés à la diversité des acteurs

En contre-partie, le principe de co-construction implique aussi, parfois, de devoir concilier l’inconciliable ou, à tout le moins, de constater les divergences de points de vue qui existent entre partenaires d’un même réseau. Il s’agit alors de tenir compte des souhaits – et éventuellement des non-souhaits – des partenaires dans l’élaboration du réseau. Il s’agit, dans certains cas, de trouver un juste équilibre entre les besoins effectifs exprimés par les partenaires en terme de réseau, d’une part, et les modalités de mise en place du réseau prévues dans le modèle de la réforme, d’autre part. Enjeux liés au nombre des acteurs Le modèle que la réforme souhaite mettre en place a « comme originalité d’associer, avec une vision globale, (…) l’ensemble des intervenants présents sur un territoire délimité qui auront à créer des stratégies pour répondre à l’ensemble des besoins en santé mentale de ce territoire ».

L’ambition d’un tel programme est à la hauteur du bénéfice attendu pour l’usager et la qualité de sa prise en charge. Il ne sera réellement possible d’adopter un modèle de prise en charge globale et concertée de la santé mentale que si le(s) projet(s) 107 abouti(ssen)t à une motivation et une implication d’un grand nombre d’acteurs.

Cependant, cette composante de la multiplicité d’intervenants – à savoir le nombre potentiel d’institutions partenaires à mobiliser dans le cadre d’un projet 107 – s’avère également une gageure importante. On considère, dans le cas du projet « Réseau Santé Namur », que cela représente entre 250 et 300 institutions différentes. Suivant le modèle global des cinq fonctions envisagé par la réforme belge des soins de santé mentale, cela représente notamment : les médecins généralistes, les cercles médicaux, les maisons médicales, les services de santé mentale, les plannings familiaux, les psychiatres et pédopsychiatres indépendants, les psychologues indépendants, les services de soins à domicile, les maisons des jeunes et maisons de quartier, les équipes mobiles, les C.P.A.S., les relais sociaux, les services sociaux, les travailleurs sociaux des communes, le Forem (relations partenariales), les maisons de l’emploi, les Mire, la plate-forme des E.F.T./O.I.S.P., les centres de jours, les hôpitaux de jour, les hôpitaux généraux, les hôpitaux psychiatriques, les logements sociaux, les agences immobilières sociales, les régies foncières, les maisons d’accueil, les centres d’accueil, les structures d’hébergement de transit, les initiatives d’habitations protégées, les maisons de soins psychiatriques, les associations d’usagers, les associations de proches d’usagers, etc.

Enjeux liés à la taille du territoire

Le modèle visé par le projet « Réseau Santé Namur » couvre un territoire de 300.000 habitants répartis sur 18 communes. Il devient, dès lors, possible de percevoir la mobilisation que représente ce projet de réseau lorsqu’on croise la précédente liste (non exhaustive) des acteurs potentiellement concernés avec le nombre de communes du territoire défini.

Mais un territoire aussi large, pour un projet de réseau, peut également se révéler un atout de taille si l’on tient compte de ce que cela permet en terme de partage de bonnes pratiques, de partage de réalités de terrain,… Cela apporte au processus de co-construction du réseau un éclairage riche par la diversité socio-géo-démographique.

Enjeux géographiques

(...) Les acteurs ont souvent tissé, au fil du temps, des liens de collaboration au sein d’une même commune ou d’un « bassin de soins ». Leurs collaborations ne s’arrêtent parfois pas aux frontières d’une commune, ou même d’une province, mais tiennent compte de l’ancrage sociologique des usagers dans un territoire parfois plus large. Il est donc important, dans la mise en place d’un nouveau réseau, de prendre en considération les initiatives de réseau qui ont été préalablement développées et d’essayer de comprendre – pour mieux respecter – les enjeux sociologiques qui ont contribué à ce développement naturel de réseau.

Enjeux liés à la multiplication des réseaux

Au-delà des réseaux informels, nous assistons, depuis quelques années, à une multiplication des initiatives en matière de réseau. Une très grande majorité des acteurs est convaincue de l’intérêt et de la plus-value du travail en réseau. Et, en même temps, ils sont nombreux à se poser des questions, somme toute légitimes : Pourquoi un réseau de plus ? Et qu’apporte-il de plus ? Cela montre à quel point, une des tâches importantes du coordinateur de réseau, dans le cadre des projets 107, est de travailler en complémentarité avec les réseaux formels existants ; à tout le moins, cela consiste à être en pleine connaissance des missions de chacun des réseaux existant sur le territoire défini et, au mieux, cela prend la forme d’un partenariat inter-réseaux (ou, selon la formule proposée par un partenaire du projet, d’une coordination des coordinateurs). (...)

Enjeux temporels

Se concerter, se réunir, se rencontrer, travailler en réseau,… cela prend du temps. Un temps qui est, de l’avis même des partenaires, très vite rentabilisé puisque le fait d’avoir des accords de collaboration, d’avoir identifié les relais possibles au sein du réseau, de mieux connaître l’offre de soins existante sont autant de gains de temps importants.

Mais, suivant un autre principe de réalité, force est de constater que tous les partenaires n’ont pas les mêmes moyens, possibilités et/ou souhaits d’investir du temps dans la co-construction du réseau ; et ce, dans la mesure où cela dépend de leur type de structure et de leur organisation. (...)

Le facteur temporel entre également en ligne de compte de façon prépondérante si l’on envisage le temps nécessaire à l’émergence d’une nouvelle dynamique. (...) Une des clefs pour la réussite d’un projet de réforme est, par voie de conséquence, de laisser le temps au temps. Et, à l’inverse, le risque majeur serait de brusquer le changement.

Enjeux paradigmatiques

La réforme article 107 apparaît (...) comme un changement de paradigme important dans la façon même d’envisager les soins et l’accompagnement en santé mentale. Face à tout changement, il est inévitable de rencontrer différents types d’attitudes contrastées ; témoignant, à un extrême, d’une ouverture totale au changement et, à l’autre extrême, d’une forme de réticence voire de résistance.

Le projet « Réseau Santé Namur » n’échappant pas à cette règle, nous avons ainsi rencontré, à côté des réactions enthousiastes d’un grand nombre de partenaires, trois types d’attitudes spécifiques. Tout d’abord, l’attente miraculeuse par laquelle la proposition de changement que représente le projet 107 se voit investie d’une capacité de répondre à tous les problèmes existants au sein du réseau. (...) Ensuite, la résistance au changement qui consiste en un mécanisme – la plupart du temps temporaire – de rejet du changement ; motivé, chez certains partenaires, par la crainte de perdre leur spécificité en tant qu’institution et, chez d’autres, par la crainte de se voir imposer certaines contraintes. (...) Enfin, les discours empreints de mystifications que développent certains partenaires par rapport au message de la réforme. Ces « mystifications » s’apparentent à des idées tronquées ou fausses qui sont le reflet d’une méconnaissance qui amène certains partenaires à prêter des intentions erronées au projet 107 ou, de manière plus générale, à la réforme. (...)

Plutôt que des obstacles, ces attitudes sont en fait, à plus d’un titre, des leviers formidables de changement. En effet, elles imposent un effort constant de communication. Celle-ci se doit d’être transparente, claire et précise mais aussi, plus fondamentalement, « faire sens » pour atteindre l’objectif de mobilisation des partenaires indispensable à la mise en place de la réforme. (...)

Enjeux partenariaux

Bien comprendre ses partenaires potentiels et bien comprendre les enjeux qui relient ces partenaires sont deux des enjeux partenariaux que rencontre(nt) le(s) coordinateur(s) de réseau. La tâche d’harmoniser des accords de collaboration efficients, soit des accords efficaces et réalistes, entre les partenaires commence par la prise en considération des spécificités de chacun. Chaque partenaire possède, en effet, suivant son type de structure et le secteur dans lequel il évolue, son organisation et des besoins qui lui sont propres ; besoins qui sont parfois complémentaires et parfois antinomiques avec ceux d’autres institutions partenaires. (...)

Le levier le plus puissant qui est aux mains du coordinateur de réseau est de rappeler que l’usager ne se soucie guère des guerres de chapelle lorsqu’il s’adresse à l’une ou à l’autre institution. Etant entendu qu’il existe et qu’il existera toujours des enjeux politico-stratégiques qui se croisent – et se télescopent même parfois –, la prise en compte des besoins stricts de l’usager en matière de prise en charge nous rappelle l’importance, au niveau du terrain, de surmonter les clivages pour mieux travailler en réseau.

Enjeux financiers

Les enjeux politiques renvoient inévitablement aux enjeux financiers. Au-delà des modes de financement qui existent au sein du réseau (financement public ou privé, statut d’asbl, subsides,…) et des manques de financement que les partenaires mettent – chacun à leur niveau – en évidence, les premiers aspects financiers qui se révèlent être un frein à la mise en œuvre du projet de réseau sont l’absence de rémunération pour les concertations de réseaux. Des efforts très importants sont réalisés afin de développer la rémunération des concertations cliniques. En revanche, il sera probablement nécessaire, à l’avenir, de soutenir les initiatives de réseau, telles que les projets 107, par des modes de financement permettant aux partenaires de pouvoir investir du temps pour la construction du réseau. (...)

Enjeux organisationnels

Pour les coordinateurs de réseau, (...) leur fonction implique de gérer un très grand nombre de projets en parallèle : information et mobilisation des partenaires, organisation des modalités de concertation autour de l’usager, mise en place d’accords de collaboration, mise en place du Comité de Pilotage, organisation de groupes de travail,… (...) A cet effet, soulignons qu’un soutien important est apporté, par le S.P.F. Santé Publique, au(x) coordinateur(s) de réseau par l’intermédiaire de modules de formation (notamment en project management), de séances d’intervision,…

De la même façon, la mise en place des équipes mobiles, ont impliqué – et impliquent toujours – la gestion d’enjeux organisationnels complexes.

Enjeux symboliques

Dans le cadre du projet « Réseau Santé Namur », un certain nombre de décisions ont été prises en raison de leur portée symbolique. Les promoteurs du projet souhaitaient signifier dans ces décisions leur implication dans le changement de paradigme porté par la réforme belge en santé mentale. Certaines de ces décisions symboliques ont, bien entendu, augmenté la charge de gestion des aspects organisationnels liés au projet. A titre d’exemple, les équipes mobiles du projet « Réseau Santé Namur » ont été mises en place dans une structure extrahospitalière indépendante des hôpitaux psychiatriques. Il était, pour les promoteurs, symboliquement important que les équipes mobiles placent leur action dans un lieu situé au cœur de la communauté, accessible facilement en moyen de transports et témoignant d’une plus grande proximité de la prise en charge. Il était également important que les travailleurs, issus de chacun des hôpitaux psychiatriques promoteurs, se sentent appartenir à une même équipe participant à un même élan de nouveauté dans la prise en charge. Enjeux des « nouveaux métiers » de la réforme

(...)

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