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n°70

Affilier, rendre, émanciper. Ce que l’Art peut faire au Social

Article issu du n°70 - L’Art peut-il être utile au social ?


Auteur(s) :

De REYMAECKER Baptiste

Co-coordinateur Culture et Démocratie, Bruxelles (baptiste cultureetdemocratie.be)


Extrait :

(...)

Selon notre conception du social esquissée plus haut, être utile au social, c’est être utile pour affilier (contrer l’individualisme), pour rendre (une parole, un bien-être, une confiance en soi, une puissance) et pour émanciper (s’affranchir des modèles de la domination : non, s’émanciper, ce n’est pas se trouver un boulot et une maison et se « caler » dans le modèle qui, « tout à l’heure », excluait). Que serait alors un art utile au social ?

Nous défendons un art social, un art utile au social, mais, à la différence de Proudhon et autres Tabarant et de la Salle, il n’est plus question d’un art qui serve un Idéal, qui promeut une morale socialiste. C’est avant tout un art qui serait pratiqué par chacun, et premièrement par ces populations en marge, ces surnuméraires, ces inexistants. Plus que le résultat, l’expérience de la créativité est importante. Ce que dit Zola de l’artiste, de son expérience intime de création, est justement ce qui doit être rendu à tous, car cette expérience est une expérience de soi comme un soi valable et unique, un soi créateur et puissant, un soi curieux, critique et capable. Bref : vivant ! C’est aussi l’expérience d’une inutilité, d’une pure expression qui se tient par elle- même, pour elle-même, hors évaluation, hors contrôle et hors jugement. Enfin, et surtout, c’est l’émergence d’une parole qui refuse d’être associée à du bruit, qui prétend à l’intelligibilité et qui rassemble autour d’elle d’autres paroles qui nourrissent la même exigence de reconnaissance.

L’art ne sera une force utile au social que s’il accompagne un mouvement d’émancipation général, porté par les travailleurs sociaux, mais également par la société dans son ensemble, c’est-à-dire par des politiques publiques ambitieuses. En Belgique, le financement public d’associations comme Article 27, ou le subside accordée à tous les CPAS du Royaume pour l’épanouissement culturel et sportif de leurs usagers, représentent de bonnes impulsions politiques pour faire de l’art une réelle force au travail pour le social. Mais de trop grandes forces inverses* - nous revenons à notre digression physicienne simplifiée - rendent ce travail, certes existant, mais quasiment inutile.

Ce que nous entendons par utile au social n’est sans doute pas partagé. Peut-être, ailleurs, se satisfait-on d’un art qui, tel un opium pour le peuple, donne la parole avec pour objectif de faire taire et permet l’expression avec pour objectif de neutraliser. A Culture et Démocratie, nous condamnons tout usage de l’art dans le champ du social qui ne servirait qu’à masquer d’un vernis superficiel et faussement « unifiant » les fractures, fissures et autres abîmes qui font le triste relief de la réalité sociale actuelle.

Force est de constater que la tendance générale est aujourd’hui à la « marchandisation » du travail social. Les logiques qui traversent ce champ sont celles du contrôle, de la normalisation, de l’intégration et du résultat. L’art peut aussi servir ces logiques. Celles de l’émancipation sont de plus en plus minoritaires et là où elles persistent, c’est le fait d’institutions et ou de travailleurs courageux et résistants. Nous les saluons.

(...)


* Dont celles qui traversent la formation des travailleurs sociaux

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