n°74
Approche historique et sociologique de la jeunesse
retour au n°74 "Les 18-25 ans : une catégorie qui pose question"
Auteur(s) :
Claire GAVRAY Chef de travaux, Chargée de cours adjoint Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Liège
Résumé :
Il est très difficile de donner une image unique de la jeunesse, tant cette dernière offre un visage diversifié en matière de pratiques, de valeurs, d’engagements et de transitions démographiques et professionnelles. Le mouvement de dualisation sociale lié à la fragilisation de l’emploi salarié et qui touche durement les jeunes et leur famille d’origine peut expliquer en partie ce phénomène. Par ailleurs, les recherches montrent une ambivalence de la jeunesse qui, d’un côté, défend certaines valeurs et projets ’traditionnels’(couple, emploi et revenus stables par exemple) et, d’un autre côté, devient méfiante et prend distance par rapport aux institutions sociales classiques. Les innovations technologiques, numériques et de la communication qui ouvrent les jeunes sur le monde en temps réel semblent quelque part ’blinder’ et insécuriser la jeune génération qui mise de ce fait sur l’intimité, les engagements et les liens sociaux de proximité. Au bout du compte, on peut vérifier que les transitions et choix personnels, familiaux et professionnels s’influencent mutuellement, et cela différemment au croisement entre groupe sexué et groupe social.
Mots-clés :
Jeunesse, socialisation, insertion professionnelle, transitions familiales, dualisation sociale
Extrait :
(...) Aujourd’hui, pour des raisons administratives et en lien avec les politiques publiques, la définition de la jeunesse reste souvent associée à une tranche d’âge particulière. Pour l’Union Européenne, elle correspond par exemple à la tranche 15-25 ans. De leur côté, les scientifiques optent pour une définition et une lecture en termes de transitions vers l’âge adulte. La plupart d’entre eux ne négligent pas d’établir des comparaisons selon le groupe sexué et/ou de l’origine sociale. De manière globale, les recherches des vingt dernières années ont montré combien ces transitions, en regard au modèle précédant, et cela qu’elles concernent la famille ou l’emploi, étaient désormais retardées, ne se déroulaient plus de manière ni automatique ni simultanée et perdaient progressivement leur caractère irréversible. Dans un premier temps, les sociologues et démographes ont continué à se référer à la notion de "cycle de vie". Depuis lors, devant le flou toujours plus important au niveau des différents seuils et transitions, et au vu de la multiplicité des modèles de conjugalité et de parentalité, au vu des changements conjoncturels et structurels de l’emploi, l’expression de "trajectoire de vie" a progressivement remplacé celle de cycle de vie. Que remarque-t-on concrètement ?
Par exemple, un nombre grandissant de jeunes allongent la durée des études, en reprennent après une période d’interruption, combinent emploi et formation ; de nombreux jeunes vivent dans un logement indépendant, tout en continuant à dépendre matériellement ou affectivement de leurs parents, et à retourner en famille chaque week-end. Certains autres peuvent aussi y revenir à la suite d’un échec sentimental ou de la perte d’un emploi. D’autres jeunes encore restent vivre chez leurs parents tant qu’ils continuent à étudier ou qu’ils n’arrivent pas à trouver un emploi et un revenu stables ; certains n’y arrivent désormais jamais. Ainsi, même si les jeunes se considèrent comme des êtres autonomes, maîtres de leurs aspirations et décisions, un bon nombre d’entre eux éprouve des difficultés à accéder à une véritable indépendance et tous les parents ne sont pas dans les conditions pour pouvoir assurer le soutien matériel nécessaire sur la durée.
De son côté, le mariage a perdu son caractère obligé et majoritaire et la vie en couple revêt les formes les plus diverses. On peut ainsi faire couple à un âge plus précoce qu’avant mais sans que cela se traduise forcément par le fait de se marier ou de rester ensemble pour la vie. Certains jeunes optent désormais pour une « vie en solo » ou la subissent après constatation d’un manque de partenaire fiable ou désirable. D’autres optent pour la colocation prolongée, parfois parce qu’ils ne peuvent accéder à un autre type de logement. Certains décident de vivre en couple tout en gardant une parfaite indépendance tandis que d’autres encore se disent en couple sans partager le quotidien, ni vivre sous le même toit...
De manière générale, les jeunes ont aujourd’hui les cartes en main pour décider de devenir parent ou pas, combien de fois et à quel moment. Mais ces choix et temporalités restent aujourd’hui tribu- taires du milieu social d’origine et du niveau d’éducation. Ainsi, les jeunes femmes originaires des groupes sociaux les moins favorisés, groupes qui, par ailleurs, défendent le plus la complémentarité des rôles sexués, continuent à devenir mères plus jeunes que les autres. Cet investissement plus précoce et plus exclusif dans la maternité peut aussi s’expliquer du fait de leurs perspectives particulièrement défavorables sur le marché du travail et en emploi. (...)
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« Parle à mon corps ; l’inceste l’a rendu sourd » : de la nécessaire évolution d’une pratique au service des mineurs victimes d’abus sexuels au sein de leur famille
retour au sommaire du n°80 "Le corps dans l’intervention (psycho)sociale" Auteur(s) : Samira Bourhaba Directrice du service Kaleidos, Liège Premières lignes : Engagés depuis une dizaine d’années dans l’aide aux mineurs victimes d’abus sexuels intra-familiaux et/ou mineurs auteurs de (…)