n° 99 - 2019
Compétences psychosociales
Les compétences psychosociales, promues aujourd’hui dans divers secteurs de l’action sociale, peuvent constituer un précieux levier pour favoriser le bien-être, l’insertion et même le pouvoir d’agir des personnes fragilisées. Mobiliser, soutenir le développement de ces savoir-être et de ces savoir-faire nécessite cependant d’être attentif à certains écueils…
Éditorial
En promotion de la santé et en prévention des assuétudes, beaucoup d’acteurs se réfèrent ouvertement aux compétences psychosociales, se réclamant volontiers de la définition de l’OMS.
Dans bien d’autres secteurs, sans que cela ne soit toujours formalisé, explicité, ou à travers la mobilisation d’autres termes (habilités, aptitudes, savoir-faire, etc.), le développement des compétences sous-tend cependant les pratiques d’accompagnement.
Ces compétences, qu’elles soient sociales (capacités de communication verbale et non verbale, d’empathie, de coopération, etc.), émotionnelles (gestion du stress et de la colère, résistance à la pression, etc.) ou cognitives (prise des décision, résolution des problèmes, etc.), peuvent représenter un précieux levier pour favoriser le bien-être physique et mental, l’insertion et même le pouvoir d’agir des personnes.
Mobiliser, soutenir le développement de ces savoir-être et de ces savoir-faire nécessite cependant d’être attentif à quelques écueils.
Cela peut tout d’abord conduire à sur-responsabiliser les individus, à considérer que la prévention ou la sortie de leurs difficultés ne dépend que de leurs compétences psychosociales et de leur bonne volonté. Or, comme plusieurs approches proposées dans ce dossier le défendent, le renforcement de ces compétences doit s’accompagner d’une prise en compte du contexte, des obstacles ou freins qui relèvent avant tout d’une responsabilité collective : inégalités socio-économiques, discriminations, exclusion, manque d’accès au logement et aux moyens de mobilité, absence de reconnaissance sociale, …
Cette focalisation sur les compétences se résume aussi parfois à une tentative de mise en conformité des personnes, enjointes de se plier aux attendus sociaux, aux normes édictées par la société et les pouvoirs publics, sans laisser place à la moindre remise en question, à la moindre prise de distance. Dans cette conception, se dessine souvent en creux une hiérarchisation des compétences : certaines, en phase avec l’ordre existant, sont mises sous le feu des projecteurs, alors que d’autres sont au contraire ignorées ou dévalorisées. Que l’on pense, par exemple, à la débrouillardise des plus précaires, des allocataires sociaux, qui doivent rivaliser d’ingéniosité pour joindre les deux bouts avec des revenus étriqués, ou aux stratégies de survie et à la résilience dont ont dû faire preuve beaucoup de migrants pour quitter leur pays et arriver jusqu’ici. Et si, plutôt que dévaloriser ces savoir-agir, on les reconnaissait, les renforçait et prenait appui dessus pour ouvrir la voie aux changements, aux améliorations dans la vie des personnes ?
Mais aller à l’encontre de cette entreprise de mise en conformité, c’est aussi favoriser l’acquisition de compétences qui ne permettent pas seulement de s’adapter aux systèmes, mais de les remettre en cause et de les modifier. Nourrir les compétences critiques des bénéficiaires pour en faire des citoyens capables d’exprimer leur opinion, argumenter et contre-argumenter, porter une revendication, s’allier pour se mobiliser collectivement… Semer, finalement, les germes de leurs pouvoirs d’agir.
Sommaire
– Des leviers pour l’insertion. L’écheveau du travail social en CISP - Sébastien BISET
– Semer les prémices d’une citoyenneté active et durable chez Racynes - Alexandre CARLIER (interview)
– Théâtre-action : quand les compétences psychosociales entrent en scène - Benjamin LERUITTE
– Gestion des compétences entre autonomie et activation - Nicolas JACQUET
HORS DOSSIER (rubrique COUP D’OEIL) :
– Les compétences psychosociales relationnelles au service de la collaboration interdisciplinaire ! - Florence BERNARD, Jonathan COLLIN, Sophie DUVILLIER
– Suicide en milieu carcéral : prévention et remise en question - Colette LECLERCQ
– "Voir l’école maternelle en grand !" pour que les inégalités sociales ne se transforment pas en inégalités scolaires - Colette LECLERCQ
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- n°120 | Faire place à l’usager
- n°119 | L’intégration, l’affaire de tous
- n°118 | L’indispensable collectif
- n°117 | Où va le métier d’éducateur ?
- n°116 | Devenir parent. Quand tout n’est pas rose
- n°115 | Jeunes "incasables" - Comment mieux travailler ensemble ?
- n°114 | Nouveaux visages de la précarité & inégalités grandissantes
- n°113 | Quel accès à l’emploi pour les publics plus fragiles ?
- n°112 | Quand il y a urgence
- n°111 | L’usager au centre des réseaux
EN LIEN AVEC CE NUMÉRO...
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TO PIIS or NOT TO PIIS Les paradoxes de l'injonction à l'autonomie
retour au sommaire du n°88 "L’autonomie en tension" Auteur(s) : Abraham FRANSSEN Sociologue, Université Saint-Louis, Bruxelles Résumé : S’inscrivant dans le référentiel de l’Etat social actif, le « Projet Individuel d’Intégration social » (PIIS), désormais obligatoire pour tous les (…)